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Femme : le genre qui m'a été assigné

C'est un thème délicat pour moi, ce qui rend l'écriture de cet article d'autant plus intéressante. Il y a un an ma réponse aurait été très différente. Pourquoi? Parce que depuis, j'ai acquis des connaissances et eu des expériences personnelles de la théorie du genre, et du monde queer (LGBTQIA+). J'ai d'ailleurs transitionné pour m'identifier non plus comme une femme, mais comme genderfluid, puis comme non binaire.


Théorie du genre


Commençons avec le mot “femme”. Qu'est-ce qu'un mot? C'est un symbole créé par des humains puis utilisé pour communiquer et pour donner du sens au monde qui les entoure. Cela signifie que des mots peuvent apparaître ou disparaître, et que le sens d'un mot peut changer. Donc un mot, ou un concept, ne représente pas une vérité éternelle, mais seulement une invention humaine. Le mot “femme” décrit pour la plupart des êtres humains à la fois une condition biologique, le sexe d'une personne, et un concept culturel complexe, le genre d'une personne. Utiliser le même mot pour les deux mène à un malentendu, car alors si une personne a un certain corps elle est supposée penser, ressentir et se comporter de la manière qui est culturellement attendue. De cela émerge des limitations à notre liberté - on ne peut exprimer qui on est de toutes les manières que l'on souhaiterait – mais aussi à de la violence physique ou psychologique, car les autres surveillent, consciemment ou non, si on agit conformément au concept culturel.

Une des missions de la théorie du genre est de séparer le corps biologique du ressenti et de l'expression culturelle du genre. Cela permet plus de liberté d'être, mais remet aussi en question notre vision du genre, et l'oppression qu'elle peut perpétuer. Donc chacun est né avec un corps femelle, male ou intersexe. Selon l'attente sociétale, un genre a été assigné à la naissance, sans considération pour les choix personnels. La théorie du genre amène alors une idée nouvelle : il est possible de choisir son genre, et celui-ci peut être différent de celui qu'on nous a assigné à la naissance. Il est donc possible de garder le genre assigné à la naissance : un mot a été inventé pour les personnes faisant ce choix, elles sont cisgenres. Il est aussi possible de choisir le genre opposé à celui assigné à la naissance, donc être une personne transgenre. La troisième option est celle de s'identifier au milieu, à tout, ni à l'un ni à l'autre, ce qui a amené la création de nouveaux mots comme genderqueer, genderfluid, non binaire, agenre... Je ne vais pas expliquer ces mots ici, mais je vous invite à faire quelques recherches sur google si cela est nécessaire.

Selon cette théorie, parler de femmes signifie parler de toutes les personnes identifiées comme femmes, dont autant des femmes transgenres que des femmes cisgenres.


Dessin : Ophelia L.

Etre assignée femme à ma naissance : mon expérience personnelle


Pendant la majorité de ma vie, je ne savais pas que j'avais ce choix, j'étais juste supposée être une femme. Et même si les femmes cisgenres ont gagné beaucoup de liberté en France, là où j'ai grandi, il y a toujours énormément à faire. Il y a quelques années, à l'aube après une nuit à boire, moi et une amie nous sommes posées une question : à quel moment avons-nous compris qu'être une femme allait rendre notre vie plus difficile ? Elle me dit qu'après un événement à l'école maternelle, elle avait réalisé que pour réussir dans sa vie, il lui faudrait fournir plus d'efforts qu'une homme, et cela l'a mise en colère. Pour ma part, c'était plutôt pendant mon adolescence que j'ai vraiment compris. J'ai constaté en premier qu'alors que les hommes étaient admirés pour avoir une vie sexuelle active, les femmes étaient supposées en avoir honte. Cela m'a mis en colère. Ensuite, j'ai compris que marcher seule la nuit, boire trop d'alcool, faire du stop, ou voyager seule me mettait en plus grand danger à cause de mon sexe. Quelques expériences me l'ont prouvé. J'étais encore plus en colère. Mes amis adolescents ont aussi traversé une terrible période pendant laquelle ils faisaient des blagues sexistes, me disant par exemple : « Femme, va faire la vaisselle. Pourquoi tu t'énerves ? Tu sais qu'on plaisante ». Il y a de nombreuses blagues à faire qui ne sont pas blessantes et rabaissantes pour les autres, qui ne sont pas sexistes, rascistes, transphobiques ou homophobiques. J'invite tout le monde à être plus créatif dans leur humour.

Comme vous les voyez, être identifiée à une femme m'a rendue en colère, opprimée, effrayée, honteuse, faible. Mais heureusement, pas uniquement. J'ai aussi adoré être une femme, surtout quand j'ai découvert le travail du sexe et le mouvement du féminin sacré. Le travail du sexe m'a permis d'explorer les manières d'exprimer ma sexualité et ma sensualité féminine, même si cette expression était limitée par les attentes de la société. Je me suis sentie puissante, je me suis sentie belle, je me suis sentie magique. Le mouvement du féminin sacré m'a aussi apporté énormément, car il m'a offert de nouvelles symboliques de la femme, belles et puissantes. Celle qui a la sagesse infinie, la sorcière, la mère qui sait donner la vie à un enfant ou à une autre création et peut en prendre soin, la grand-mère qui sait les secrets de l'existence, la guerrière pacifique, l'amante mystique... Le monde de mon féminin intérieur en est devenu plus complexe et positif pour le monde. Tout cela m'avait déjà fait évoluer et grandir, mais ce n'était pas encore suffisant pour être vraiment moi.


Dessin : Ophelia L.

Comment je me sens depuis que j'ai sauté par dessus-bord, quittant le bateau de la femme cisgenre


Si vous avez lu mes autres articles, vous avez déjà compris que je ne m'identifie plus comme une femme. Cela ne veut pas dire que je ne suis plus influencée par les conditions culturelles de vie d'une femme : je me suis identifiée comme une pendant 26 ans. Mais la manière dont on définit sa propre identité a un pouvoir surprenant.

Je me suis toujours senti attirée par l'expression de mon masculin, spécialement lorsqu'il s'agissait d'inverser les rôles de genre avec mes partenaires, par example dans une expérience sexuelle. J'étais aussi intriguée et effrayée à la fois à l'idée de m'habiller comme un homme. Et j'ai entendu au cours de ma vie certains commentaires disant que j'étais masculine, ou que j'avais trop de « yang », et la plupart du temps, ce n'était pas des compliments. J'ai appris énormément lors du dernier Burning Man, et j'en suis revenue obsédée par le concept de « genderfluidity », luttant contre ma honte et ma culpabilité à l'idée de m'identifier ainsi. Je remettais tout en question : « Est-ce que je mens si je m'identifie ainsi ? Pourquoi je ressens le besoin de le faire alors que d'autres femmes cisgenres sont très masculines et s'identifient pourtant toujours comme femmes ? Est-ce assez important pour que j'embête les autres avec ça ? Suis-je en train de trahir les femmes en ne voulant plus m'identifier comme elles ? ». J'ai néanmoins continué sur ce chemin, avec des difficultés, des périodes de dépression, des crises de dysphorie, mais aussi avec des moments d'euphorie du genre, en m'habillant de manière à ressembler plus à un homme, ou lorsque des amis utilisent mes pronoms favoris (« iel » en français, « they/them » en anglais)...

Entre temps, j'ai ressenti beaucoup de colère au sujet de l'oppression ressentie en m'étant identifiée à une femme toute ma vie, et de toutes les violences psychologiques endurées. Une part de moi a alors rejeté avec force ma partie féminine car elle se trouvait reliée à toute cette peine. Je suis allée dans une « Rage Room », pour crier, éclater des bouteilles en verre contre un mur, et détruire une imprimante avec une batte de baseball, et cela m'a fait le plus grand bien.

La question à me poser à présent, c'est comment je me sens à propos de mon féminin, de la femme toujours en moi, après tout cela. Et je dirais que je me sens... mieux. Même s'il y aura toujours des violences venues de l'extérieur qui pourront m'atteindre, une grande part de l'oppression que je ressentais au sujet de m'identifier comme une femme était de moi-même envers moi-même, car je l'avais intériorisé durant toute ma vie. Je me limitais, j'avais honte de la manière dont je vivais ma vie sexuelle, je pensais que je devais me comporter d'une certaine manière pour plaire aux hommes cisgenres, ou pour répondre aux attentes de la société. M'identifier comme genderfluid me donne la liberté de ressentir et d'exprimer mon masculin, mon féminin, les deux ou ni l'un ni l'autre, et cela m'aide à guérir et à changer mes croyances envers moi-même. Cela me permet de m'aimer mieux, d'être plus authentique, et plus créative à propos de qui je suis et qui je peux être. Et je peux toujours apprécier mes qualités plus féminines et leurs expressions. Je parle de ce qui est relié à la féminité selon les symboles de ma culture, qui n'est pas une vérité éternelle, mais un concept humain né de la période et de l'endroit où je vis. Je sens que j'ai plus de liberté que jamais dans l'expression de ces qualités et cela de la manière que je veux, et quand je le veux. Et j'adore être le témoin des expressions variées du féminin par des femmes transgenres, des femmes cisgenres et des personnes non-binaires.

Le monde est un endroit fascinant et pleins de surprises, chères personnes lisant ces lignes, et les possibilités pour jouer avec un concept humain comme celui de « femme » sont infinies. Acceptez la diversité, permettez-vous une plus large expression de vous-mêmes, luttez contre l'oppression et la violence envers toute personne identifiée comme une femme, et laissez la magie opérer.


Emy Phoenix


Dans mes articles, je fais beaucoup d'affirmations. C'est difficile pour moi car en tant qu'ancienne étudiante en philosophie, je voudrais expliquer en détail ma pensée et donner des arguments solides, mais cela ne convient pas au court format de ces articles. Je voudrais juste préciser que je ne prétend pas dire une vérité générale, juste ma propre vérité à ce moment précis de ma vie, qui va changer et évoluer au fil du temps.

Dans cet article, j'ai utilisé beaucoup de mots que vous ne connaissez peut-être pas, et j'ai fait référence à des mouvements et théories spécifiques. Je m'excuse de n'avoir pu tout expliquer, et je compte sur vote curiosité pour rechercher ce que vous n'avez pas compris.

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